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Axes de recherche

Nos recherches se concentrent essentiellement dans le domaine de la pensée scientifique, philosophique et religieuse de l’Age classique. Sur ce plan, notre but est moins d’étudier tel ou tel auteur de la période classique (au sens large : de l’Humanisme aux Lumières) que de reconstituer un tissu intellectuel qui forme le fond sur lequel prennent sens les problématiques individuelles et sans lequel il est impossible de les comprendre. C’est probablement une telle analyse qui fait le plus défaut actuellement en France à l’histoire de la philosophie, centrée (légitimement, mais trop exclusivement) sur les "grands auteurs", et c’est aussi ce qui explique la réduction de l’histoire intellectuelle au rang de parent pauvre sous le nom d’histoire des idées.

Ce tissu intellectuel comprend un certain nombre d’objets théoriques :

  1. des systèmes philosophiques, au sens de constructions architectoniquement fortes. C’est le cas par exemple du système de Spinoza ou de celui de Locke. Mais outre leur architecture interne, qui se présente presque nécessairement comme intemporelle, ces systèmes ont aussi une existence externe dans la trame de l’histoire intellectuelle : ils servent de références positives ou négatives (on se proclame cartésien, on se moque des tourbillons, on s’indigne de l’unité de substance spinoziste) ; ils s’insèrent -parfois malgré leurs auteurs- dans des réseaux d’alliances ou de controverses (on compromet Descartes par Spinoza) ; ils interviennent avec force dans les secteurs théoriques dont ils traitent aussi et ils jouent un rôle dans leurs remaniements (et réciproquement, une évolution de la physique peut rendre un système intenable). Ces systèmes à forte cohérence jouent un rôle particulier dans le tissu de l’histoire intellectuelle en ce qu’ils donnent aux concepts qu’ils créent ou reprennent une force singulière du fait que chaque concept a derrière lui le poids de connexions propres au système et qui peuvent lui survivre.
  2. des théories sectorielles scientifiques, politiques, religieuses, esthétiques à l’égard desquelles les systèmes prennent position ou qu’ils intègrent comme partie de leur discours (la théorie de l’imagination dans la plupart des philosophies classiques ; les rapports entre la religion et l’Etat ; la question de la prophétie, etc.). A cet égard, on ne saurait surestimer le rôle matriciel des grandes confessions ou de leurs variantes (calvinisme, puritanisme, etc.). Les traditions religieuses qui se mettent en place entre Renaissance et Réforme présentent une logique forte (beaucoup plus forte que ne le voient en général les historiens des idées) ; ces différentes logiques les distinguent les unes des autres et distinguent par là aussi les traditions sociales et nationales qu’elles ont contribué à forger. Ces logiques ont des effets dans des domaines où on ne les attendrait pas - ou du moins elles n’ont pas été attendues par les historiens spécialisés. On en retrouve la puissance de détermination et de démarcation dans le droit, dans les sciences, dans la métaphysique, et aussi, dans l’attitude concrète des hommes à l’égard de la vie et des relations avec autrui. Ce qui est intéressant ici est moins la religion que la logique dont elle est porteuse - mais il n’est pas indifférent que ce soit la religion, avec sa puissance massive d’inculcation, son poids multiple dans la vie sociale, son appel incisif au choix de l’individu, qui porte cette logique : on comprend qu’elle soit un fort diffuseur et multiplicateur de logique.
  3. des traditions - qui servent à constituer une trame intertextuelle et intersectorielle. C’est le cas, par exemple, à l’âge classique, autour de thèmes comme passions, nature, fortune, vertu, expérience, caractère, mémoire, imagination, génie, imitation. Ces termes focalisateurs ont en général comme caractéristiques :

    * de se trouver au croisement de plusieurs théories ;

    * de faire signe vers une expérience humaine fondamentale ;

    * de servir de matériaux, ou de références dans les controverses ;

    * c’est souvent par leur intermédiaire que l’apport étranger ou antique est repris.

De telles traditions sont souvent portées par la rhétorique, l’emblématique et les préstructures qui traduisent en termes de sensibilité les nouveautés conceptuelles (ce qui rend lisibles, déchiffrables, les arguments des systèmes).

Mais, si l’on se contentait de décrire ces objets de manière statique, on laisserait échapper la plupart des raisons qui organisent le champ intellectuel : dans sa réalité, il se donne sous la forme de controverses, de prises de positions dialogiques, et, d’abord, de crises qui sont l’occasion pour les théories de se formuler et pour les traditions de se remanier. Ainsi, la crise politique de la fin du XVe siècle en Italie étend ses effets sur la restructuration de l’humanisme et donne leur sens aux problématiques de Machiavel ou de Guichardin, l’unification de l’Etat, la découverte du Nouveau Monde et la crise religieuse de la fin du Moyen Age au Siècle d’Or dans les Espagnes transforment également les perspectives humanistes et confèrent toute leur portée aux oeuvres de Bernat Metge, Ausias March, Pedro Mexía ou Jean de la Croix ; la crise religieuse liée à la Réforme et la crise scientifique liée à la nouvelle cosmologie provoquent des remaniements dont les grands systèmes classiques portent la trace.

Il faut enfin noter que tous ces objets se situent dans des temporalités différentes :

  • le temps long du discours traditionnel (les tempéraments, la fortune, l’astrologie) - qui fournit des matériaux lâches et toujours réutilisables ;
  • le temps syncopé de la crise qui brutalement réorganise, met en question, force à repenser autrement ;
  • le temps éternel du système qui répond, reprend, repense - et diffuse ainsi une organisation de la pensée qui tente de restaurer une cohérence là où elle avait été brisée.

Cette réflexion se concrétise dans un programme de publications –monographies, ouvrages de synthèse et éditions critique, sous forme traditionnelle et électronique– , de colloques, de journées d’étude, de séminaires et de manifestations auprès du grand public.

Nous poursuivrons également un programme déjà engagé d’études littéraires et lexicographiques de la Renaissance et un programme d’inventaire du patrimoine régional, — inventaire des fonds anciens et recherches archivistiques.