Quelles définitions de l’inceste (théologique, juridique…) informent et structurent les relations entre individus ? C’est à partir de cette interrogation que l’on tentera de cerner une notion relativement floue ou variable dans les faits (ne s’étend-elle pas jusqu’à l’inceste spirituel ?), qui vaut souvent comme l’essence même de l’interdit, mais qui - et c’est peut-être un aspect plus riche encore - renvoie à une "nature" : comment celle-ci se manifeste-t-elle et comment est-elle est nommée ("voix du sang", "voix de la nature", "instinct"...) ?
Œdipe s’aveugle, mais il était surtout sourd à cette voix, qui n’est d’ailleurs pas univoque : les Guèbres des Lettres persanes ne représentent-ils pas le plus parfait exemple d’union, entre un frère et une sœur ? A travers la diversité des usages, quelle morale peut encore être fondée ? L’attirance innomée entre ceux qui s’ignorent proches parents (frère et sœur, parent et enfant) recouvre-t-elle la confusion des sentiments, l’affirmation d’un principe transcendant ou la prédominance des facteurs physiques voire biologiques ? Quelle est la valeur, ou plutôt la force, d’une relation de filiation dans une société fondée sur la transmission, mais qui hésite entre plusieurs modèles interprétatifs de la reproduction ?
Le risque de l’inceste pourrait désigner la perte de repères ou au contraire l’affirmation d’une identité. Connaître c’est reconnaître, comme le montre souvent le théâtre de Voltaire ; découvrir sa parenté, c’est aussi retrouver un être qu’on portait en soi sans arriver à le nommer ni surtout à l’entendre.
Les innombrables exploitations littéraires de ce thème (dont on a trouvé ci-dessus quelques exemples relevant du seul XVIIIe siècle, mais qui se déploie du XVIe au XIXe siècle) permettront d’aborder par des angles divers une question qui est d’abord d’ordre philosophique ou anthropologique. La casuistique, les écrits scientifiques, mériteront tout autant d’être examinés que le théâtre ou le roman et que tout autre type d’écrit, sans exclure même ce qui relève de la morale.
Programme
2010-2011
Samedi 20 novembre (ENS-Lyon, 10h-12h30, R 111)
Jean Bart (Université de Dijon) : « Inceste, un mot que les juristes n’aimaient pas prononcer »
Catherine Volpilhac-Auger (ENS de Lyon) : « A quoi sert l’inceste ? »
Samedi 26 février (Clermont-Ferrand, 10h-12h30)
Cyril Chervet (Université Lyon II), « Molière et le mariage imaginaire »
Myrtille Mericam-Bourdet (ENS Lyon), « L’inceste dans L’Encyclopédie »
Samedi 9 avril (Lyon II, 10h-12h30)
Christophe Martin (Université Paris Ouest-Nanterre) : « L’inceste dans l’anthropologie et l’imaginaire rousseauistes »
Isabelle Ledoux (ENS Lyon) : « Spinoza et Freud : l’inceste, articulation de l’intrapsychique et de l’intersubjectif. Entre procès d’individuation et interactions affectives. »
Samedi 28 mai (Saint-Etienne, 10h-12h30)
Bruno Roche (Université Clermont II) « Esquisse d’une poétique libertine de l’inceste »
Françoise Le Borgne (Université Clermont II) « Délation horrible d’un gendre calomniateur, contre son beau-père - L’accusation d’inceste dans l’œuvre de Rétif de La Bretonne »
2011-2012
Samedi 5 novembre (ENS-Lyon, 10h30-12h30, R 111)
Christelle Bahier-Porte (Saint-Etienne) : Bilan de la première année du
séminaire
Didier Kahn (CNRS), « Inceste et alchimie : la mystérieuse nièce de Th. Turquet de Mayerne (fin du XVIe siècle) »
Samedi 4 février (Lyon 2, 10h30-12h30)
Christine de Buzon (Université de Limoges), « Cas d’inceste dans la littérature narrative du XVIe siècle »
Philippe Martin (Lyon 2), « L’inceste : un péché ordinaire ? Inceste, cas de conscience et cas réservé, un débat de l’Église moderne »
Samedi 10 mars (Clermont-Ferrand 2, 10h30-12h30)
Michèle Rosellini (ENS de Lyon), « Racine multiplicateur d’inceste »
Isabelle Brancourt (CNRS), « L’inceste à travers la pratique judiciaire du parlement de Paris, dans la première moitié du XVIIIe siècle »
Samedi 2 juin (Saint-Etienne, 10h30-12h30, E01)
Christelle Bahier-Porte (Saint-Etienne), « "L’inceste évité" : l’instinct et la sympathie dans la fiction romanesque et théâtrale au début du XVIIIe siècle »
Jean-marie Roulin (Saint-Etienne), « ’My hearts belongs to daddy’ : enjeux d’une configuration romanesque au tournant des Lumières » (Delphine et Claire d’Albe)
Contacts
Christelle Bahier-Porte ( christelle.porte univ-st-etienne.fr)
Catherine Volpilhac-Auger (catherine.volpilhac ens-lyon.fr)