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La théorie musicale, entre histoire et mathématiques : la perception musicale

Resp. André Charrak

La théorie musicale, en ce qu’elle découpe un domaine dans le champ du sonore, est souvent décrite comme un pythagorisme : sous ce titre impressionnant et réducteur, on désigne de toute façon une attitude consistant à privilégier la dimension mathématique dans laquelle les philosophes, depuis les Anciens, auraient cultivé une tendance à transposer l’expérience musicale. En réalité, il y a d’abord lieu de souligner à quel point ce mathématisme est peu univoque et engage des décisions théoriques absolument divergentes. Pour ne rien dire du fait que les mathématiques mises en jeu changent évidemment de nature au cours de l’histoire de la théorie musicale (c’est d’ailleurs dans ce domaine, rappellerons-nous à propos de l’âge classique, que se rend lisible d’une façon très nette la fin de l’empire de la théorie des proportions en mathématiques et l’avènement de l’algèbre – et il serait aisé de produire d’autres exemples), nous aborderons cette année le rapport de la théorie musicale à l’histoire de ses objets, qui paraît contrarier sa prétention normative et, d’une façon plus précise, le modèle mathématique dont elle a prétendu recevoir, au moins selon ses adversaires, sa vocation à l’apodicticité. L’effort d’application des mathématiques à la musique, quoi qu’il en soit de ses modalités (qu’il s’agisse des archétypes géométriques de Kepler ou des premiers pas de l’acoustique mécaniste chez Galilée et Mersenne), est en effet confronté à l’historicité des objets mêmes auxquels les tentatives de formalisation confèrent un caractère d’objectivité apparemment irrécusable. Comment concilier la prétention normative de la théorie et le constat irrécusable d’une évolution du matériau ? Le cas exemplaire, dont nous montrerons la fortune jusqu’au XXe siècle, concerne l’admission des tierces, dont il est crucial, pour la présente enquête, d’analyser les raisons. Comme il est bien connu, ce changement a une importance immense dans l’évolution de l’écriture musicale elle-même et, plus précisément, dans l’avènement de la tonalité. Mais cet exemple nous intéressera parce qu’il nous fournit un échantillon irremplaçable d’une prise de conscience, par les contemporains mêmes, des conditions d’évolution du matériau historique : et il permet de dénoncer la relative vanité d’une position de surplomb qui raisonnerait a parte post une histoire dont les ressorts sont thématisés, dans le domaine théorique, par ses principaux acteurs – et cette réflexion est armée des mathématiques. La mathématisation mise en œuvre dans la théorie musicale sert aussi l’intelligence d’un devenir, d’une évolution de l’écriture ; et la normativité qu’elle prétend atteindre n’est pas plus étrangère à l’histoire que peut l’être toute recherche de structures, une fois qu’elle est sérieusement comprise.